• Production vocale: Zombie des Cranberries

    Traduction française

     Une autre tête pend doucement
    Un enfant est emporté peu à peu
    Et la violence a entrainée un tel silence
    Pour qui paye-t-on ce prix ?

    Mais tu vois, ce n'est pas moi,
    ce n'est pas ma famille
    Dans ta tête, dans ta tête,
    ils se battent

    Avec leurs tanks et leurs bombes
    Et leurs bombes et leurs armes
    Dans ta tête, dans ta tête, ils pleurent

    Dans ta tête, dans ta tête,
    Zombie, Zombie, Zombie
    Hey hey hey. Qu'est ce que tu as dans la tête, dans la tête
    Dans la tête,
    Zombie, Zombie, Zombie ?

    Un autre cœur brisé d'une mère est arraché..
    Quand la violence entraine le silence
    Nous devons être trompés

    C'est le même thème ancien depuis 1916
    Dans ta tête, dans ta tête, ils continuent de se battre
    Avec leurs tanks et leurs bombes
    Et leurs bombes et leurs armes
    Dans ta tête, dans ta tête, ils se meurent

    Dans ta tête, dans ta tête
    Zombie, Zombie, Zombie
    Hey, hey, hey. Qu'as tu dans ta tête,
    Dans ta tête,
    Zombie, Zombie, Zombie ?

     Une chanson engagée :

     Cette chanson est un appel à la paix. En témoigne le refrain :
                What's in your head, Zombie... (Qu'y a-t-il dans votre tête ? Mort-vivant...)
    Les personnes visées ici étant les fabricants d'armes, mais aussi ceux qui s'en servent :
                They are fighting (Ils se battent) With their tanks, and their bombs (Avec leurs tanks, et leurs bombes) And their bombs, and their guns (Et leurs bombes, et leurs fusils)

     Mais le mot zombie peut aussi s'appliquer aux personnes qui ont vécus comme des zombies, dans la peur (attentats, bombes...), et qui ne vivaient donc plus comme des gens "normaux".

    La chanson, datant de 1994, marque le premier véritable cessez-le-feu auquel on pouvait croire depuis le début du conflit (il y en a eu quelques-uns sans "succès" avant).

    Le conflit en question n'était pas celui entre l'Irlande du Nord et la République... Mais plutôt le fait que l'Ulster souhaitait depuis 1916 faire partie de la République (qui fut déclarée indépendante en 1922) ou du moins devenir indépendante de la Grande Bretagne.

    Pour finir, la chanson fait la morale à tous ces gens qui font la guerre comme pour leur dire qu'ils se souviendront à vie de toutes les morts qu'ils auront engendré.

                 In your head they are dyin' (Dans votre tête ils meurent)

    Qu'est ce que l'IRA ?

                 L'IRA signifie Irish Republican Army ou Armée Républicaine Irlandaise. Il s'agît d'une organisation paramilitaire nationaliste irlandaise créée en 1919, qui combat l'autorité britannique en Irlande dans le but de réaliser l'union et l'indépendance de cette dernière. À sa création l'IRA soutenait les objectifs du Sinn Féin, sa branche politique, qui souhaitait l'indépendance de l'Irlande vis-à-vis du Royaume-Uni, mais ces deux organisations se différenciaient par leurs moyens de lutte. L'IRA se constitua au cours de la guerre d'indépendance en 1919-1922, durant laquelle elle mena des combats de guérilla. Comme le Sinn Féin, l'IRA se divisa à la suite du traité de Londres en 1921 qui établissait un État libre d'Irlande, l'Eire (Irlande du Sud), dès lors amputé de la province d'Ulster. La faction minoritaire qui accepta cet accord fut intégrée à l'armée.

     

                La faction majoritaire qui, elle, refusa l'accord et réclama le rattachement de l'Ulster à l'Irlande unifiée, combattit contre le gouvernement de la république d'Irlande lors de la guerre civile de 1922-1923. Déclarée illégale en Irlande du Nord à partir de mai 1922, l'IRA continua cependant à recruter et à entraîner ses membres, et à commettre des actes violents de façon périodique. Après le retrait de l'Irlande du Commonwealth en 1948, l'IRA réorienta ses activités pour, cette fois, libérer l'Irlande du Nord de la tutelle britannique et créer une République irlandaise unifiée. À la fin des années 1960, la minorité catholique de l'Irlande du Nord lança une campagne énergique pour améliorer son statut politique, économique et social. En effet, depuis octobre 1968, l'Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, fut secouée par de violents affrontements entre protestants et catholiques.

     

    Numériquement inférieurs aux protestants, les catholiques de l'Ulster étaient davantage frappés par le chômage et connaissaient un niveau de vie nettement inférieur à celui des protestants ainsi que des inégalités dans leur représentation politique. Après les violentes émeutes à Londonderry du 12 au 16 août 1968, le maintien de l'ordre en Ulster fut confié le 18 août 1969 à l'armée britannique. Les violences reprirent à Belfast et à Londonderry au cours du mois de juin 1970. L'IRA bénéficia alors d'une popularité grandissante auprès de la population et ses actions terroristes contre les activistes protestants et l'armée britannique augmentèrent sensiblement. Un désaccord en 1969 quant à l'utilisation de tactiques terroristes provoqua la scission de l'IRA en deux organisations distinctes : une organisation radicale, l'IRA provisoire, qui organisa des assassinats et autres actes terroriste; et l'organisation principale, l'IRA officielle, qui recherchait des solutions pacifiques.

     

    Les «provisoires» intervinrent progressivement, depuis leur base dans la république d'Irlande, en faveur des catholiques de l'Ulster, auxquels ils fournissaient des cadres et des armes. Le gouvernement britannique donna alors la permission, le 10 août 1971, de faire interner, sans procès, les chefs de l'IRA, et refusa d'accorder le statut de prisonniers politiques à leurs militants. Son intransigeance coûta la vie à dix des membres de l'IRA à la suite d'une grève de la faim à la prison de Long Kesh, près de Belfast. Le 31 août 1994, après vingt-cinq ans de lutte et de longues négociations entre le dirigeant actuel de l'IRA, Gerry Adams, et le gouvernement britannique, l'IRA annonça un cessez-le-feu sans condition, promettant d'interrompre les opérations militaires et d'engager des négociations de paix.

     

    Analyse de l’œuvre

     

    Avant de commencer!

     - La BD: Les bijoux de la Castafiore. Hérgé.

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    1°)MUSIQUE DIEGETIQUE IN (source visible à l'écran) 2°)MUSIQUE DIEGETIQUE HORS-CHAMP (source non visible à l'écran mais qui appartient à l'histoire) : Pour en savoir plus

    Œuvre Principale:Le Dictateur de Ch.Chaplin

    1°)Présentation générale

     L’ARTISTE

    Charlie CHAPLIN est le nom usuel de sir Charles Spencer Chaplin, né à Londres en 1889, mort en 1977 en

    Suisse. A la fois acteur, réalisateur, producteur, scénariste et compositeur de musique, il débute sa carrière d’acteur en 1907 et dirige ses premiers films dès 1914.

    Il imagine le personnage de Charlot, un vagabond sentimental et maladroit. Il s’agit de films burlesques, proches du mime ou de la clownerie, car le cinéma parlant n’apparaît qu’en 1927.

    Chaplin est l’un des acteurs les plus connus et créatifs du cinéma muet, à l’égal de Laurel et Hardy.

    Quelques-uns de ses films les plus célèbres :

    -« Le gosse » (« the kid »)

    -« La ruée vers l’or »

    -« Les temps modernes «

    -« Le dictateur».

     L’ŒUVRE

       Fiche technique :

    ° Titre : Le Dictateur (The Great Dictator)

    ° Réalisation et scénario : Charles Chaplin (il a contribué aussi à la musique)

    ° Pays : Etats Unis

    ° Format : film argentique (sur pellicule) en noir et blanc

    ° Genre : comédie

    ° Durée : 1h59

    ° Acteurs principaux : Charlie Chaplin : le barbier et le dictateur, Paulette Goddard : Hannah

    Synopsis :

    À la fin de la guerre de 1914-1918, en combattant pour son pays, la Tomania, un simple soldat sauve un officier blessé.

    Blessé à son tour, il devient amnésique et passe de longues années à l’hôpital.

    Lorsqu’il revient dans le ghetto juif où il est barbier, la vie a bien changé : ses voisins subissent de nombreuses brimades de la part du dictateur de Tomania, Hynkel. Celui-ci, sosie du barbier, mène une politique de discrimination antisémite. Lors d’une rafle, alors que la Tomania envahit l’Osterlich, Hynkel et le barbier juif sont confondus. Ce dernier est contraint d’improviser un discours radiodiffusé.

     Une œuvre engagée :

    -Chaplin dénonce l’absurdité des combats de la Première Guerre mondiale par une satire burlesque

    -Il ridiculise la personnalité autoritaire et la mégalomanie d’Hitler/Hynkel (micro qui se tord, scène du globe...)

    -Il dénonce l’antisémitisme et la brutalité de la dictature nazie grâce à la parodie.

    2°)Présentation générale de la bande son

    Le Dictateur est véritablement une oeuvre de maturité : né en 1889 (exactement comme Hitler),  Charlie Chaplin avait  49 ans en 1938, dont déjà 25 ans d’expérience au cinéma depuis le Charlot de la Keystone (1913-1914), et s’apprêtait à réaliser l’un de ses trois plus grands films.

      Chaplin venait du cinéma muet et n’avait pas encore complètement abandonné toutes les techniques liées au genre. Voici, pour mémoire, les six fonctions principales qu’avait la musique (omniprésente) dans le cinéma muet :

     - couvrir le bruit du projecteur par la musique du piano et parfois d’un orchestre

     -remplacer la voix humaine

     - renforcer l’action et l’émotion 

    - égayer et humaniser des images animées en noir et blanc (qui apparaissaient à l’homme du début du XXe siècle terriblement tristes et ternes).

     - Souligner par l’emploi de musiques différentes le découpage des différentes scènes du film.

     - prolonger la tradition des spectacles visuels antérieurs au cinéma muet qui étaient déjà accompagnés de musique (cirque, magie, ombres chinoise, lanterne magique…)

    La bande son du Dictateur est presque exclusivement constituée de musiques allemandes.

      Dans ses deux films précédents, Les Lumières de la ville (1931) et Les temps modernes (1936), Chaplin avait maintenu ses personnages dans l’univers du cinéma muet alors que le cinéma sonore s’était déjà définitivement imposé. [Le Chanteur de jazz, octobre 1927, est le premier film partiellement parlant (une dizaine de numéros chantés dans un univers muet) et, par exemple, M. le maudit, le chef-d’œuvre de Fritz Lang date seulement de 1931]. Les dispositions extraordinaires de Charlie Chaplin pour le mime et son sens musical si développé permettaient au personnage de Charlot de s’exprimer et de toucher le public, ce qui prolongea les limites du cinéma muet jusqu’au  Dictateur. Buster Keaton, né 6 ans après Chaplin, ne parvint pas à franchir cette « frontière du parlant » et connut une spirale d’échec jusqu’à l’interruption définitive de sa production.

     

      Charlie Chaplin qui possédait un sens inné de la musique (Debussy lui avait dit un jour « vous êtes d’instinct un musicien et un danseur ») composait habituellement les musiques de ses films mais, en tant que musicien autodidacte, ne savait pas les noter. Il employait un arrangeur professionnel pour l’aider à noter et orchestrer ses thèmes. Il fit appel notamment à David Raskin (élève de Schoenberg).

       Or Le Dictateur emploie fondamentalement des musiques allemandes (à l’exception de passages musicaux secondaires comme la marche militaire). Pourquoi Chaplin n’en a-t-il pas composé toute la musique comme il l’a fait pour la plupart de ses grands films ?

    Fiche Résumé :
    Pendant la 1ère Guerre Mondiale un barbier juif sauve la vie d'un officier. Mais l'avion dans lequel ils se trouvent s'écrase contre un arbre, et le barbier, devenu amnésique, est envoyé à l'hôpital. 20 ans plus tard, ignorant les changements qui se sont produits, il sort et retourne à son salon, dans un ghetto juif. Sans savoir que les juifs sont persécutés par Hynkel, le dictateur de Tomanie - le pays du barbier. Avec l'aide d'Hannah, sa jolie voisine, il résistera aux soldats et à Hynkel… Sans savoir qu'il est le sosie parfait de ce dernier.
    Genre : Comédie dramatique parodique
    Aspect : Persécution des Juifs, personnalité d’Hitler (=Hynkel)

     

    2-L’extrait choisi

    Extrait 01 :
    Hynkel danse avec un globe terrestre. Au bout d’un moment il explose dans ses mains -> Signification : si on laisse la Terre entre ses mains il la détruira.

    Extrait 02 :
    Le barbier juif se fait passer pour Hynkel et prononce un discours à la fin de l'invasion du pays voisin. Ce discours qui clôture le film libère le cœur de tous, et est synonyme d'espoir. Il prêche ainsi toutes les idées contraires à celles d'Hitler. C'est un moyen d'anéantir les thèses raciales et guerrières d'Hitler, et de ridiculiser Hitler lui-même.
    Chaplin joue à la fois le juif traqué et le dictateur criminel : on a donc un seul visage pour 2 âmes. Le mal absolu peut-il s'incarner dans n'importe quel homme ?

     

    3-Quel message ?

    Chaplin attaque le nazisme en mettant en évidence plusieurs caractères dangereux : le racisme, la brutalité et la mégalomanie d'Hitler, le militarisme. Le premier message est qu'Hitler est dangereux : il risque de détruire la Terre si on la lui laisse entre les mains. Le second est qu'il ne faut laisser personne imposer son diktat, qu'il faut lui résister si l'on veut vivre libre.

     

    4-Par rapport au contexte, quelle mémoire de la guerre est véhiculée ?

    Le film sort aux Etats-Unis en 1940, alors que les nazis progressent en Europe, notamment en occupant Paris. Il a été réalisé pour montrer au gouvernement américain qu'il doit sortir de son isolationnisme.
    Après coup, on a reproché à Chaplin de montrer une " dictature à l'eau de rose " : couchettes " confortables " des prisonniers dans le camp… Mais comment Chaplin aurait-il pu imaginer l'horreur des camps en 1940 ?
    Par ailleurs, il privilégie la pudeur, ce qui n'empêche pas de ressentir la peur ( quand les nazis entrent dans le ghetto…)

     

    5-Accueil du film à sa sortie

    Aux Etats-Unis, Chaplin a été accusé dans un premier temps de bellicisme par des groupes isolationnistes.
    Puis lorsque les EU sont entrés en guerre, le public a été conquis par la dramatique actualité du sujet.

    Il faut aussi savoir qu'Hitler s'est fait diffuser ce film 2 fois en privé (signe que Le dictateur avait un impact certain !!)

     

    6-Réactions personnelles

    - Il est intéressant de réfléchir sur le genre de ce film : la caricature et le grotesque au service de la critique historique.
    - La part respective de la fiction et de l'histoire : qu'est-ce que la fiction ajoute ou retranche à la réalité historique ?

     

    ·    Scène du dictateur et du globe :sur la musique

    du prélude de l'Acte I de l'opéra Lohengrin

    de Richard Wagner, une œuvre créée en 1850.

    Le Prélude de Lohengrin de Wagner est utilisé deux fois dans le film, à commencer par la scène dite du « monde en péril » où l’on voit Hynkel jouer avec le ballon en forme de globe terrestre (la musique est associée à la légèreté du ballon avec le suspense lié à l’incertitude de savoir ce qu’il va devenir) : on rentre dans les rêves (et la folie) de Hynkel.

      La musique de Wagner a été particulièrement appréciée et utilisée par les Nazis (de même que les Carmina Burana de Carl Orff ou les symphonies de Bruckner) pour sa recherche de puissance et le développement - parfois ambigu-  d’une mythologie de personnages d'essence supérieure ou inférieure. On voit à ce propos dans Le dictateur à quel point l’art officiel a été instrumentalisé par les autorités allemandes de l’époque (la voiture de Hynkel avance le long d’une allée de sculptures faisant le salut nazi !) et l’on sait également le sort qui était réservé aux œuvres des artistes « dégénérés ».      

      [Rappelons que l’art de différents pays occidentaux des années 30 a certainement flirté  avec le mythe du surhomme, en particulier l’architecture et la sculpture (c’était l’époque des grandes expositions coloniales et universelles). L’exposition universelle de 1937 montrait justement des œuvres sculptées et des pavillons particulièrement imposants, comme le sont les décors qui entourent Hynkel. Mais l’idéologie sous-tendue par l’art officiel nazi est d’une tout autre nature car il y avait une volonté de propagande et la recherche de la domination et de l’exclusion.]  

      Chaplin s’est emparé de la musique de Wagner à contre-emploi et a choisi la douceur de la musique du prélude de Lohengrin. [Opéra composé en 1847 à une époque où la musique de Wagner était incomprise, peu appréciée de ses contemporains et où Wagner était recherché par la police de Dresde pour sa participation à la révolution de mai, réprimée par l’armée. L’œuvre fut dirigée par Liszt à Weimar en 1850 devant l’élite intellectuelle et musicale d’Allemagne alors que Wagner était exilé à Zurich.]

       Le thème de Lohengrin est celui de la quête du Graal et, les violons du Prélude, avec des harmoniques élevées, représentent le Saint-Graal et son envoyé, le chevalier Lohengrin. [Le roi et les chœurs guerriers, au contraire, sont personnifiés par les cuivres alors que les bois plaintifs sont réservés à Elsa]. Cette même musique réapparaîtra à la fin du film en reprenant tout son sens.

    On peut entrevoir des correspondances entre le thème de cet opéra et le message que veut faire passer Charlie Chaplin, verbalisé dans le discours final : s’élever vers un monde meilleur de façon pacifique. Le personnage du barbier se rapproche à la fin du film du rôle de Lohengrin. Certaines similitudes peuvent également s’observer entre Elsa, liée par l’amour à Lohengrin et Hannah (liée au barbier).

     

     

     

    ·       Scène du barbier qui rase en rythme son client sur la musique de

    la Danse hongroise n° 5 de Johannes Brahms.

     

    5ème danse Hongroise de Brahms. La pantomime que Chaplin réalise dans la scène « travailler dans la joie » montre à quel point le choix des musiques a été fondamental et quasiment préexistant à l’écriture du scénario. Cette scène, tournée en un seul plan-séquence, parait improvisée mais est au contraire extrêmement travaillée et montre des dons prodigieux pour le mime. Chaplin, formé à l’école du music-hall, réinvestit ici pour une des dernières fois son immense expérience du cinéma muet. [Le music-hall anglais tel que Chaplin le pratiqua dans la troupe de F. Karno  de 1908 à 1910 constituait une véritable école de rigueur. Le public était bruyant, exigeant, il fallait convaincre dès l’entrée en scène.]

       La célèbre danse de Brahms, de structure musicale  A (a a b. b.) B (c / c /) A (a bb –) coda, fait entendre un orchestre de cordes (frottées) dans un tempo rubato. Chaplin, qui avait manifestement  analysé de près cette musique, associe les sons frottées des archets aux mouvements de la main droite du barbier (précisément celle qui tient l’archet chez le violoniste) : lorsqu’il étale la mousse à raser ou la lotion après-rasage ou qu’il s’essuie les mains sur sa blouse, lorsqu’il manie son rasoir pour l’aiguiser ou raser le visage de son client et enfin lorsqu’il utilise le peigne et la brosse à cheveux, il multiplie les gestes frottés au rythme de la musique ! Le geste final du barbier qui pose brusquement le chapeau sur la tête de l’homme s’associe aux cymbales (frappées), fortement accentuées de la coda (et présentes plus légèrement dans les parties b-).   

      Le violon, qui domine cette musique comme celle du prélude de Lohengrin, est assurément l’instrument emblématique des Juifs, (même si le roi David est toujours représenté avec sa harpe légendaire). [Que l’on songe au tableau Le violoniste de Chagall, 1912, ou à Einstein qui était un très bon violoniste, le lien est fort avec ce peuple. Yehudi Menuhin confie en page 120 de son très beau livre La légende du violon : « Le violon est l’instrument par excellence du voyage et de l’errance. C’est pourquoi, tel une ombre, il a suivi les Juifs et les Tsiganes le long de leurs pérégrinations. Un des premiers rabbins que ma mère avait rencontrés à New York me racontait que lorsque les Juifs échappés des pogroms russes vinrent se réfugier en Palestine, il n’y en avait pas un qui ne portât son étui à violon ».

      N’oublions pas non plus que Chaplin connaissait très bien l’univers des cordes puisqu’il jouait du violon et du violoncelle depuis son adolescence et qu’il avait déjà employé un violon à l’écran dans Charlot violoniste (1916). Plus tard, en 1952, dans Les feux de la rampe (Limelight), il réutilisa un violon dans une scène importante : « La dernière séquence de Limelight  est comme son testament esthétique et moral. Le clown déchu va faire son entrée en scène, grimé en comédien burlesque, il s’avance vers nous en jouant du violon. La musique fait vibrer la durée pleine, tendue à mourir » Claude-Jean Philippe.]

      Au niveau des ressorts du scénario, cette scène déclanche le rire et détend après avoir approché la folie de Heinkel, en opposant l’atmosphère chaleureuse, tranquille et un peu farfelue du barbier juif  au climat démesuré, précieux et artificiel  des appartements du dictateur. Mais s’ajoute aussi en filigrane l’idée que les juifs allemands partagent la culture de leur pays (qu’ils ne vivent pas isolés dans leurs coutumes) et qu’ils ont en commun avec les Allemands de souche l’amour de la musique. Plus encore, dans le choix de cette musique transparaît la volonté de Chaplin de rappeler aux allemands que leur culture s’est nourrie d’apports multiples dont ceux de peuples que les autorités de leur pays considèrent comme inférieurs. Les Danses hongroises de Brahms s’inspirent justement des musiques tziganes de l’Europe de l’Est. On y retrouve différentes caractéristiques de ces musiques slaves très typées : la prédominance des violons, le tempo excessivement rubato, l’alternance de la nostalgie et de la gaîté, les changements d’éclairage mineur / majeur ainsi que des contrastes de nuances. [Parmi les autres compositeurs classiques qu’a inspirés la musique tsigane, on peut citer Liszt, Bartók ou Kodály.]

     

     

     

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    LLire l'article en entier; Les choix musicaux de Charlie Chaplin

     ANALYSE

    La scène du premier discours

    Dans cette scène Hynkel /Hitler s’exprime dans une langue peu compréhensible et agressive (Mais ressemblant à celled’Hitler dans ses discours) Le ton employé selon le sujet est très expressif. Par exemple il est tendre lorsqu’il parle des nombreux enfants de Tomania, et très agressif lorsqu’il parle des Juifs.

    Chaplin emploie divers procédés pour dénoncer la manière dont Hitler manipule les foules :

    -procédés sonores = passage de la flatterie à l’agressivité, mots vociférés, crachés, qui dégénèrent en toux, foules obéissantes (silencieuses au moindre geste), langue inconnue, mais au fort pouvoir évocateur.

    -procédés visuels et burlesques issus du mime = sous-titres indiquant l’absence de liberté, grimaces, gestes autoritaires, micros pliés, ceinture qui saute, postures ridicules (il se rafraîchit en jetant un verre d’eau dans son pantalon !!).

     

    Discours de Hynkel : utilisation d’onomatopées (triple langage) :

    -          l’absence total de sens des onomatopées employées par le dictateur renvoie à la folie particulièrement dangereuse de Hitler ; Ces onomatopées de consonance allemande donnent l’illusion d’entendre un discours en allemand mais n’ont pas de contenu sémantique, ce qui doit amener le spectateur à réfléchir lorsqu’il prend conscience de l’artifice. Les mots « liberty » et « démocratie » empruntent  par ailleurs des sonorités à d’autres langues, comme pour insister sur le fait que chacun, quelque soit son pays, doit se sentir concerné.

    -          la « traduction » simultanée et le commentaire en voix off du présentateur mettent  le doigt sur l’hypocrisie dont font preuve au même moment la plupart des autres pays.

    -          Le niveau infra-verbal de la voix et des gestes dissimule mal la pensée cachée du dictateur et traduit de façon monstrueusement transparente ses véritables intentions ainsi que le degré de sa folie. Avec cette œuvre en avance sur son temps, Chaplin se montre étonnamment  moderne en ce qui concerne l’utilisation des onomatopées.      

     

    Reprise finale du prélude de Lohengrin. Après le discours final (à 1 h 57’ 30’’), Cette musique de rêve revient  au moment où l’on voit Hannah se relever et reprendre espoir : « notre âme a retrouvé ses ailes » entend-elle à la radio. Ces ailes de l’âme font alors écho au ballon que Hynkel avait fait voler.

      Ainsi, la quête du Graal dont nous parle la musique devient par l’utilisation qu’en fait  Charlie Chaplin une réflexion positive sur le sens de la vie et l’avenir de l’homme. C’est la réponse d’un réalisateur de génie à l’intolérance des Nazis et au danger qu’ils représentent.

                            

    -          [Il semblerait que les artistes du mouvement Dada aient déjà utilisé des onomatopées dans des poèmes et des spectacles. D’autre part, les onomatopées sont employées dans certaines musiques traditionnelles (le bogo tsigane par exemple) ainsi que dans le scat du jazz de façon à libérer la voix humaine des contraintes des paroles et permettre l’improvisation vocale.                                                                    Cela dit, Chaplin qui ne concevait pas le personnage de Charlot comme pouvant parler (« la matrice dont il était né était aussi muette que les haillons qu’il portait » disait-il) avait déjà expérimenté l’emploi d’un langage inventé dans Les temps modernes, lorsque Charlot en vient à chanter « Titine » et ne se souvient plus des paroles.                                                                                                                              Mais, la scène du discours d’Hynkel va si loin dans l’emploi d’un sabir incompréhensible (langue imaginaire formée d’éléments de provenance diverses), qu’on peut se demander à quel point elle ne préfigure pas certaines musiques vocales de la fin du XXe s. comme celle de Ligeti, Kathy Berberian  ou Aperghis (Récitations pour voix soliste) dans lesquelles « ça ne veut rien dire mais ça dit quand même des choses» selon le mot d’Aperghis. Le sens des Récitations apparaît dans les intonations de l’interprétation et dans la rencontre plus ou moins fortuite des sonorités.        

     

    -          Il faudrait rappeler aussi à quel point Chaplin se méfiait du parlant et n’a pas manqué dans ses films les occasions de le faire savoir : dans les temps modernes, c’est un disque qui s’exprime à la place du vendeur de la terrible machine à manger et le détestable directeur de l’usine se fait entendre par l’intermédiaire du système de surveillance ; le monarque déchu d’Un roi à New York est poursuivi en tous lieux par les rengaines à la mode…]

    http://collegebarbot-arts.over-blog.com/article-3-eme-97660463.html






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